En cette sainte journée que bénissent les cultivateurs d’orge et de malt
, la cité du Ponant a eu la bonne idée d’inviter Pierre Perret a venir sentir l’amour que lui portait ses habitants, ou du moins, son fidèle troisième et quatrième âge. Et oui, avant que çà nous saoule, on comptait le nombres de jeunes non accompagnés de leurs parents ou grands parents présents à ce concert. Autant dire autant que les bons whisky breton, autrement dit peu. Incomparable avec les vagues écossaises, pays enchanté et pour lequel nous louons cette vertue. D’ailleurs, c’est un verre d’une distillerie de l’île d’Islay, sur le versant ouest de ce pays, qui m’accompagne pour ce récit. Pour les plus curieux, un Ardbeg 10 ans d’âge, entrée de gamme de cette luxueuse maison
. Rien qu’à son goût fumé et tourbé, on ne peut s’empêcher de se croire loin de cet enfumée capitale d'un Etat méprisant
, au son de June Christy ou Julie London, deux de ces chanteuses qui firent fantasmer tant d’hommes. On divague, on divague, mais bon, quel plaisir ce verre à tulipe, quel filtre d’oubli de ces jours pénibles.
Revenons à notre sujet. Hommage à Pierrot, je remets à niveau mon verre d’ailleurs.
Alors, oui. Un peu d’ordre. Arrivés dans la sinistre Brest, quelle entrée pour les touristes, longer le port et sa zone grise industrielle et délabrée. On ne s’y attarde pas, contournons les indications routières pour la quitter plus vite, direction le centre ville, rebâtie à la va-vite après la guerre. Si je prends mon temps pour la décrire, c’est pour vous inciter à ne pas vous y attarder
. Sauf dans quelques uns de ses pubs, même si ceux de Kemper ont ma préférence
. Enfin, après une courte pause dans un burger à l’allure très américaine années 60, mais aussi dégueulasse que ceux d’aujourd’hui, on se rend enfin au Quartz, la salle de concert axée plutôt théâtre en général. Afin de ne plus être dévisagé par les pensionnaires des maisons de retraite, on s’esquive quelques instants pour regarder l’exposition photo en contre bas. On n’a pas retenu le nom de l’artiste mais bon, on ne retiendra pas ses photos non plus, c’est sûr, c’est bien niveau qualité, mais niveau fond, est ce des visages masquées ou est ce des poupées de cire ? Elle se veut dérangeant mais çà ne marche pas, enfin si, peut être pour sur les anciens peu habitués à ce genre d’imagerie
Bref, direction nos places. Bonnes surprises, la salle n’est pas immense, genre 1500 personnes maximum. Placement au 3ème rang, un peu désaxé, personne devant nous, l’appareil photo se chauffe. Et Pierrot se pointe !
A l’heure, bien entendu. On n’est pas à Paris. Et dire que je voulais l’idée de prendre un autre verre. Bien nous en a pris. Alors, faire une set list risque d’être difficile. Surtout qu’on n’est pas aussi expert en Pierrot qu’en Slayer. Enfin moi. Parce que Caro, elle connaît un peu mieux que moi. Donc, ma p’tite Julia pour commencer. Bien sans plus, j’en plus pas particulièrement fan. Après, c’est le bazar dans mes souvenirs, faut dire que ma rousse canadienno-irlandaise Loreena (je précise, pas envie de réentendre votre interprétation de Boulay) est passée par là – meilleur concert de ma vie, y’a qu’un pas qu’Opeth et de rares autres m’empêchent de franchir mais de peu).
Bref, voyons les moments forts.
Passons rapidement sur les classiques que le public attendait avec impatience. Le zizi. Je n’aime pas cette chanson mais faut avouer que sur scène, ca passe aussi bien qu’une coreff. Les jolies colonies de vacances, même remarque, d’autant plus, chose très sympa, une choral d’enfant d’une école proche est venue l’interpréter. C’était super sympa, les gamins étaient alignés sur deux rangs du plus grand au plus petit, sans aucune marque de vêtement. Bravo à eux qui avaient le tract.
Ils ont aussi chanté, en fin de concert, deux autres morceaux dont les jardins que je ne connaissais pas. Et Pierrot était merveilleux avec eux, jouant le rôle du grand-père rassurant qui donne confiance. Mais comment pouvait il en être autrement de cette bonne bouille qui aide les femmes tout en étant fidèle à la sienne ?
Alors, quoi d’autre ? Arf, une minute. Pause. Je dois arroser ma tulipe à l’eau de vie, question de pousse
. Ah ! oui ! ouiiiiiiiiiiiii ! La Corinne !
Quel morceau. Déjà en album, elle est bien drôle mais là, sur scène, orgasme assuré. Alors, le bon vieux Pierrot, il se joue du public comme le chat du whiskas pour boire du whiskys. Après avoir chanter un bout de chanson, il demande au public situé à droite dans la salle de reprendre le refrain. Voyons dans quel état se trouve la droite à Brest ? J’étais dans la droite, devinant d’avance le discours, à quelques levées de coude de l’élection. Donc, 3 bonhommes répondent. La salle s’exclaffe ! Moi aussi, surtout quand on sait que la Bretagne est traditionnellement à gauche pour des raisons historiques
(la droite ayant sans cesse envoyer les Bretons et leur langue à la mort, je pourrai en faire un topic, mais mon devoir de réserve de fonctionnaire me l’interdit, mais on pourrait en parler autour d’un zinc amical, si çà vous intéresse). Puis, Pierrot va vers la gauche de la salle. Alors là, surprise, la majorité de cette aile reprend la Corinne : « Tiens c'est la Corinne Qu'a encore trouvé une pine ». C’est bandant comme morceau, croyez moi ! J’en rigole encore.
Puis il va au centre, direction Bayrou, et çà se passe bien, la salle ayant envie de chanter ! Puis plus fort encore, il demande aux homme puis aux femme de chanter le refrain. Evidemment, nous les mâles, arrivé le mot pine, on ne sait plus alors que les femmes chantent la chanson entière. Encore une preuve de votre supériorité. Voici le morceau, la chanson il faut comprendre hein ! Quand la chouette aux yeux jaunes la nuit en plein mois d'août
D'un long cri qui résonne appelle son hibou
Les braves gens du village la mine réjouie
Savent bien que ce ravage, c'est pas l'oiseau de nuit
Ils disent: "Tiens voilà la Corinne
Qu'a encore trouvé une pine
La petite noire du garde chasse
C'est un vrai piège à bécasses"
A l'unisson les paroissiens
Disent: "Y a que ça qui lui fait du bien"
Et quand l'hiver s'en vient sous les premiers flocons
D'un grand coup de burin on saigne le cochon
Est-ce la bête qui agonise de qui proviennent ces cris
Poussés derrière l'église? Mais les fidèles qui prient
Ils disent: "Tiens c'est la Corinne
Qu'a encore trouvé une pine
La petite noire du garde chasse
C'est celle du berger Bobby
Ça lui change de ses brebis"
A l'unisson les paroissiens
Disent: "Y a que ça qui lui fait du bien"
Elle amena en Afrique son mari Casimir
Qui cru entendre un soir un éléphant barrir
Mais ce long cri sauvage cette féroce clameur
Les guerriers du village la connaissaient par coeur
Ils dirent: "Tiens c'est la Corinne
Qu'a encore trouvé une pine
Sûrement celle du grand sorcier
Qui lui agite le couscoussier"
A l'unisson les Africains
Dirent: "Y a que ça qui lui fait du bien"
Dans un transatlantique sur le chemin du retour
Ils croisèrent des baleines poussant des grands cris d'amour
Mais dans la nuit obscure ces cris de supplicié
Les marins les reconnurent ainsi que le plaisanciers
Ils disent: "Tiens c'est la Corinne
Le capitaine la taquine
A cette heure là en principe
Il lui fait fumer sa pipe"
A l'unisson tous les marins
Dirent: "Y a que ça qui lui fait du bien"
Sentant la mort prochaine elle dit à son époux
Je veux un cercueil de chêne avec des noeuds partout
Cette innocente prière fut bien sûr exaucée
Depuis dans le cimetière quand on entend glousser
On dit: "Tiens c'est la Corinne
Qu'a encore trouvé une pine
Ses amants n'avaient pas tort
Elle peut faire bander un mort"
A l'unisson les paroissiens
Disent: "Y a que ça qui lui fait du bien"
Cette vie dissolue l'amena pourtant au ciel
Pour affronter les foudres du bon Père éternel
Reçue par le concierge elle poussa un grand cri
En empoignant sa barbe mais les anges ont souri
Ils dirent: "Tiens c'est la Corinne
Qu'a encore trouvé une pine
C'est Saint Pierre à tous les coups
Qui essaye son passe-partout"
Et le Bon Dieu a dit: "Nom d'un chien
Faudra que j'essaye ça un matin"
Et le Bon Dieu a dit: "Nom d'un chien
Ça ne peut que me faire du bien
Alors, après de morceau de bravitude (sic), il a aussi chanter les incontournables et engagés, chacun de son côté, Lily, le Poulet, Tonton Cristobal, Blanche (qu’on n’aime pas trop), 26 ans à nous deux, amour liberté vérité, fille le bonheur c’est pour demain, la cage aux oiseaux en rappel. Des classiques, mais pas nous préférés. Perso, je trouve que le représentant en confitures ou les tabliers bleus sont EXCEPTIONNELS ! A double sens en plus. Le seul regret que j’ai est qu’il ne les a pas chanté.
Mais, on lui pardonne volontiers. Car y’a eu un long passage où il reprend des morceaux sexy, voir eroticosexy. A chaque début, il consulte son accordéoniste, dont le prénom est inscrit sur l’instrument, et dit : « ah, celle là, ils ne peuvent pas la connaître ». Evidemment, elle est connu et les applaudissements et gloussements pleuvent. Normal, à Brest, contrairement à la Bigoudénie, il n’y a pas de micro-climat, il pleut tout le temps. Pire qu’à Biarritz, pour les impossibles amis Basques de ce forum. D’ailleurs Pierrot a des compils qui s’appellent plus ou moins chansons éroticocoquines. AH AH !! Votre attention revient, bande de moules !
Alors, ce fut une sorte de long medley, une suite de refrain d’une dizaine de chansons, toutes aussi luxuriantes que les autres : le plombier (je vous laisse imaginer les paroles) et plein d’autres aux textes aussi littéraires. Quel passage inoubliable. Les anciens s’amusaient, les rares jeunes aussi ! Même les enfants rigolaient mais forcément, ne comprenaient pas toujours le sens caché de certaines formules ! Un régal, je vous dis ! Nom d’une bouteille qui va pas tenir la longueur de ce récit, c’était époustoufflant.
Et en plus, Pierrot était en pleine forme. Dans son costume qui lui va si bien, sa bonne humeur est communicante. TOUT le monde semble passer un bon moment. Caro s’amuse aussi, forcément. L’appareil qui chauffait au début du texte lance ses flash mais on ne gardera que 2 photos que vous verrez un jour. Et oui, le Pierrot, il bouge ! L’appareil n’aime pas.
Alors, quoi d’autre ? Bien. Les chansons du nouvel abum, pardi ! Ah, MAGNIFIQUES. Alors, on a surtout « mélangez-vous », morceau qui restera, je pense, longtemps gravé dans nos mémoires. Textes sans compromis, prenez çà dans votre gueule les tricards de tout bord, aussi bien à babord qu’à tribord. Voici le texte qu’on ne connaissait pas car on n’a pas grand-chose de Pierrot à la maison mais çà va changer :
« Femme pleine de grâce
Quand l'étranger à l'entour
De ta maison passe
Noir blanc juif ou berbère
Laisse ton coeur désigner
Celui qu'il préfère
Mélangez-vous, mélangez-vous
Quand touts les peaux finiront
Par se ressembler
Mélangez-vous, mélangez-vous
Un jour les hommes sauront
Même plus sur qui taper
Femmes pleines de grâce
Ouvrez vos bras aux hommes
Qu'on dit d'une autre race
Femmes changez la donne
Quand y aura plus
Qu'un' seule couleur
Ce sera la bonne
Mélangez-vous, mélangez-vous
Comme dans un mot d'amour
Les lettres de l'alphabet
mélangez-vous, mélangez-vous
Pour un' couleur qui envoie
Plus personne au gibet
Femme pleine de grâce
A qui la liberté
N'accorde aucune place
Va vers celui qui t'aime
Même si sur toi les tiens
Ont jeté l'anathème
Mélangez-vous, mélangez-vous
Peut-être qu'un jour y aura
Partout la même couleur
Mélangez-vous, mélangez-vous
On ne saura plus
Qui sont les nôtre qui sont les leurs
Femmes soyez fécondes
Et par des sangs mêlés
Que vos tailles soient rondes
Vos fils seront tous frères
Contre personne ils ne partiront
Plus en guerre
Mélangez-vous, mélangez-vous
C'est de la haine que toutes les femmes
Vont nous sauver
Par elles que le racisme enfin
S'ra délesté de sa tenac' peau de chagrin
Femme pleine de grâce
Quand l'étranger à l'entour
De ta maison passe
Noir blanc juif ou berbère
Laisse ton coeur désigner
Celui qu'il préfère
Mélangez-vous, mélangez-vous ».
Je ne pense pas que ce texte est démagogique, à son âge et avec de tels antécédents, Pierrot est insoupçonnable. Aussi, chose sympa, il a joué « infirmière » mais çà c’est pour nous, car Caro a une amie infirmière qui nous a parlé de ce morceau avant le concert. Spéciale dédicasse, comme on dit. Plus Malika et liberté zéro qui sont bien sympa, surtout cette dernière.
Aussi, l’osmose entre les musiciens se ressent, ce qui contribue à considérer ce concert comme encore plus agréable. Ardbeg, tu me fais écrire des phrases françaises mauvaises. Pff…
Que dire de plus ? On n’a rien à faire que les gens, proches ou non, se foutent de notre tête quand on leur dit qu’on est allé voir le Pierrot. Je prends même çà pour un compliment maintenant. Les gens ne connaissant que 3 ou 4 morceaux, comme nous, quelques mois auparavant. Je ne peux que vous conseiller fortement d’aller le voir s’il passe près de chez vous. Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvaise augure mais le joyeux bonhomme plein de vie a bientôt 73 ans. Joyeux anniversaire, Pierrot le jeune !
J’oubliai. Un homme est mort durant le concert. Ou du moins le semblait. Caro l’a remarqué en sortant, l’affolement de l’organisation semblait le confirmait, l’ambulance sonnait. Son voisin essayait de le réveillait, mais rien n’y faisait. Mourir devant Pierrot, quel pied ! C’est méchant, je le retire, respect aux disparus. Que la paix règne sur son âme.
Mon mal de gorge est passé, merci au médicament Ardbeg, des laboratoires écossais Islay. Et à Dinah Washington et à son Big Long Slidin’ Thing qui passe actuellement dans mes oreilles..
J’espère que ce texte sera lu en entier, même s’il ne tient guère la distance avec ceux de Patate-la-dorée.